JEU D’ÉCHECS ET LITTÉRATURE
A la fois système purement abstrait et conflit guerrier primitif qui fait retour du fond des âges, mettant face à face deux clans originels et élémentaires, le jeu d’échecs semble proposer par lui-même la coïncidence des contraires. Cette richesse et cette variété se retrouvent dans la relation entre jeu d’échecs et littérature. Tour à tour miroir rétrecissant offrant le reflet des intrigues inter-personnelles et des conflits entre les protagonistes au niveau de l’histoire racontée, ou modèle emblématique de la composition du texte, le jeu d’échecs est un objet privilégié susceptible de supporter des niveaux de symbolisation pluriels.
Alice au pays des échecs
Murphy (1938) de Samuel Beckett
La partie jouée entre le héros éponyme du roman et Monsieur Endon est non pas métaphorique mais bien réelle, les 43 coups des deux adversaires étant indiqués et commentés par le narrateur. […]
Les villes invisibles (1972) d’Italo Calvino
La « polygraphie du cavalier » dans La Vie mode d’emploi (1978) de Georges Perec
UN ROMAN À L’ORIGINE DE LA SÉRIE À SUCCÈS : LE JEU DE LA DAME (1983) DE WALTER NEVIS
Le succès de la mini-série sur Netflix a relancé la mode des échecs. Il s’agit d’une adaptation du roman éponyme de Walter Nevis. Petite fille, Beth Harmon a appris les échecs à l'orphelinat. Prodigieusement douée, elle devient rapidement une joueuse exceptionnelle. Mais le milieu des échecs est féroce, les intrigues les plus sournoises sont permises, et les Etats vont jusqu'à s'affronter à travers leurs champions respectifs. Sa rencontre avec le champion soviétique sera l'occasion d'une confrontation impitoyable.
Un combat et autres récits (1995) de Patrick Süskind
Lorsque commence la partie d'échecs contre ce jeune inconnu arrogant qui déplace ses pièces sans réfléchir en roulant des cigarettes, le héros de Un combat, un vieux joueur expérimenté, comprend que sa carrière est finie... Et son public, pourtant fidèle, le croit aussi. L'issue de la partie dira ce qu'il faut penser de certaines « évidences».
Jeu d’échecs et camps de concentration
La variante de l’indicible : une mise en texte du génocide par Michaël Rinn in Échiquiers d’encre : le jeu d’échecs et les lettres (XIXe-XXe s.), Jacques Berchtold (sour la dir.), Genève : Droz, 1998, p. 539-548.
Le Joueur d’échecs (1836) de Maelzel d’Edgar Allan Poe
Un mystérieux automate habillé à la turque parvient à tromper ses adversaires lors de tournois d'échecs organisés par son propriétaire. Jouant sur une table éclairée à la bougie, cette « pure machine » ne perd quasi jamais.
Dans cet essai, Poe analyse longuement l’automate joueur d’échecs inventé par le baron Wolfgang von Kempelen en 1769 et montré aux Etats-Unis dans les années 1920 et 1930 par Johann Maelzel, fabricant d’automates musicaux et ancien ami et partenaire commercial de Beethoven.
Loujine, joueur prodige de Nabokov
La défense Loujine (1930) de Vladimir Nabokov décrit le processus mental des échecs sous l’angle narratif du joueur. Avec une subtilité psychologique extrêmement détaillée, Nabokov analyse comment, à force d’être obnubilé par sa passion, ce champion d’échecs sombre dans la maladie et doit abandonner la compétition.
Un beau ténébreux (1945) de Julien Gracq
Europa (1972) de Romain Gary
LA TOUR PRENDS GARDE (1982) DE FERNANDO ARRABAL
JEU D’ÉCHECS ET SCIENCE-FICTION : L’ÉCHIQUIER DU MAL (1989) DE DAN SIMMONS
Ils ont le talent. Ils ont la capacité de pénétrer mentalement dans notre esprit pour nous transformer en marionnettes au service de leurs perversions et de leur appétit de pouvoir. Ils tirent les ficelles de l'Histoire. […] Car ils se livrent aussi entre eux une guerre sans merci, selon des règles empruntées à celles des échecs. À qui appartiendra l'omnipotence ? Sans doute à celui qui aura le plus soif de pouvoir.
La Joueuse d’échecs (2005) de Bertina Henrichs
Dans l’île de Naxos, Eleni est femme de chambre dans un hôtel fréquenté par les touristes. La quarantaine négligée, elle mène une vie bien réglée entre son travail, un mari garagiste épousé à dix-huit ans, deux enfants adolescents et une amie d’enfance. Son seul espace de liberté, ce sont les chambres qu’elle fait chaque matin, les objets qu’elle y remarque, à travers lesquels elle imagine d’autres vies… Un jour, par un geste maladroit, elle renverse une pièce sur un échiquier sur lequel une partie est engagée. Sa vie bascule alors, car, de façon inattendue, elle se prend de passion pour ce jeu au grand dam de sa famille et des habitants de l’île plus qu’interloqués.