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Cache-sexes, un jeu d'artiste
Vidéo numérique
L’histoire de l’art vue à travers la feuille de vigne et ses avatars. De l’Antiquité à nos jours, un inventaire malicieux et érudit du puritanisme appliqué aux beaux-arts et des ruses pour le contourner.
Dans la statuaire grecque, les organes génitaux apparaissent encore sous la forme édulcorée d'un pénis enfantin pour l'homme et d'un pubis glabre pour la femme. Les artistes de l’époque antique, à qui l’on doit l’invention du nu, entendaient représenter un homme civilisé, capable de dominer ses pulsions. Sous l’ère chrétienne, une vague de cache-sexes déferle. Liées à la représentation de la Genèse, les classiques feuilles de vigne cèdent le pas à une infinité de végétaux, pagnes virevoltants, serpents suggestifs ou robinets potaches. Parfois, le paravent frise le ridicule, comme ce baudrier peint par David qui pendouille incommodément entre les jambes du guerrier Tatius. Mais le plus souvent, dans un excitant jeu de cache-cache avec la bienséance, les artistes débordent d'inventivité pour dissimuler – ou feindre de le faire afin de mieux montrer – le corps du délit. La chevelure bouillonnante de la Vénus de Botticelli, opportunément glissée entre les cuisses de la déesse, illustre ainsi la force du désir.
Au-dessous de la censure
De la pudique Antiquité à notre époque pas si libérée, on assiste à un incessant ressac entre le désir de dévoiler ces sexes bannis et le retour de bâton de la censure. Aux timides tentatives de l’époque des Lumières, qui s’abritait néanmoins derrière des considérations esthétiques pour décourager les représentations explicites, succédera la réaction pudibonde de la Restauration. Une "campagne de feuilles de vigne", apposées compulsivement sur statues et toiles, se poursuivra tard dans le XIXe siècle, jusqu’à ce que Gustave Courbet, en peignant en gros plan, avec un raffinement pictural délibéré, un sexe féminin dans L’origine du monde, tente de siffler la fin de la partie. Librement inspiré du livre Cache-sexe – Le désaveu du sexe dans l’art de Sylvie Aubenas et Philippe Comar (éd. La Martinière), ce documentaire, nourri d’interventions d’historiens de l’art et de créateurs, furète avec malice au-dessous de la ceinture (et de la censure), soulignant notre refus d’accepter notre animalité et les différences de traitement entre hommes et femmes, plus volontiers dénudées.