Die vierundzwanzig golden Harfen
(Les 24 harpes d'or)
Die vierundzwanzig golden Harfen.- [Strasbourg: Martin Schott 3VIII 1493]
Collection Bibliothèque municipale de Belfort, H150
Un incunable de la bibliothèque des Capucins de Thann conservé à Belfort
Die vierundzwanzig golden Harfen.- [Strasbourg: Martin Schott 3VIII 1493]
Collection Bibliothèque municipale de Belfort, H150
Un incunable de la bibliothèque des Capucins de Thann conservé à Belfort
Mariette Cuénin-Lieber
Le 14 septembre 1818 fut établi à la demande du préfet du Haut-Rhin un « Etat des livres qui composent la Bibliothèque de Belfort »1 . Une note y attirait l’attention sur certains livres conservés : « La Bibliothèque possède quelques ouvrages assez précieux des premiers tems de l’imprimerie, quelques ouvrages hébreux, grecs, et cependant il n’y a rien de très rare. Le seul ouvrage très ancien et très curieux, c’est un volume écrit en allemand et intitulé les 24 harpes d’or2 . »
Le livre ainsi remarqué, Die vier und zwenzig gulden Harpfen, donne la traduction par un Dominicain, Johannes Nider, des Collationes patrum de Jean Cassien (vers 360-vers 432), œuvre qui traite de la vie monastique. Natif d’Isny, Johannes Nider avait fait son noviciat dans le couvent de Colmar. Il y finit ses jours le 13 août 1438, après avoir été prieur des couvents de Nuremberg et de Bâle. Ce fut probablement à l’intention des Dominicaines de Nuremberg qu’il entreprit de traduire les Collationes. Du succès de sa traduction témoigne sa diffusion. Elle se fit d’abord par des manuscrits3 puis dans des livres imprimés. De 1470 à 1505, sept éditions des Goldenen Harfen furent ainsi publiées : quatre à Augsbourg, une à Ulm, une à Strasbourg et une à Wessobrunn.
1Document conservé aux AD du Haut-Rhin, 4T 59.
2Quand nous citons un document ancien, nous en conservons l’orthographe, par exemple « tems ».
3La BNU conserve un manuscrit du milieu du XVe siècle (ms. 2541), qui provient du couvent cistercien de Lichtenthal, près de Baden-Baden.
1Document conservé aux AD du Haut-Rhin, 4T 59.
2Quand nous citons un document ancien, nous en conservons l’orthographe, par exemple « tems ».
3La BNU conserve un manuscrit du milieu du XVe siècle (ms. 2541), qui provient du couvent cistercien de Lichtenthal, près de Baden-Baden.
L’exemplaire de Thann
Il s’agit d’un volume de la sixième édition, celle de Strasbourg, parue en 1493 chez Martin Schott. C’est la seule à être illustrée de vingt-quatre gravures sur bois dans le texte. Peu d’exemplaires en sont conservés4 . De plus, celui de Thann contient une table des matières. Sa reliure en peau retournée rose sur ais de bois a été confectionnée dans les années qui ont suivi l’impression. Une mention manuscrite indique sa provenance : « Loci Capucinorum Thann ». Ce couvent avait été fondé en 1621. Avant cette date, le volume a sans doute appartenu à d’autres propriétaires, mais faute de preuves on ne saurait en dire plus à ce sujet.
4La Bibliothèque humaniste de Sélestat en possède un (cote : K 619a).
ASPECT GÉNÉRAL
Reliure
Page de garde
Frontispice
Ex-libris
De Thann à Belfort
L’incunable des Capucins de Thann est aujourd’hui conservé à la Bibliothèque de Belfort5 , au terme d’une histoire assez mouvementée, conséquence des saisies révolutionnaires. Un décret de l’Assemblée nationale de novembre 1789 avait en effet mis les biens ecclésiastiques « à la disposition de la Nation ». Il fut arrêté que les livres saisis seraient transférés dans des « dépôts littéraires » ouverts dans chacun des districts qui composaient alors les départements. Le dépôt de Belfort – chef-lieu d’un des trois districts du Haut-Rhin – reçut, outre les livres des émigrés et des prêtres réfractaires, ceux des Capucins de la ville, des Capucins et des Franciscains de Thann. Une bibliothèque publique devait être ouverte dans chaque district, selon un décret du 27 janvier 1794, afin de faciliter l’accès des citoyens aux livres dans l’esprit des Lumières. Mais les districts ayant été supprimés le 22 août 1795, les livres saisis passèrent sous la responsabilité des départements, pour Belfort celui du Haut-Rhin. Ils étaient destinés à la constitution du fonds des bibliothèques des Écoles centrales, qui avaient été créées le 25 février 1795. Puis nouveau changement : un décret du 28 janvier 1803 chargea les municipalités de la gestion des bibliothèques, fondant ainsi les établissements municipaux, mais sans leur accorder de moyens financiers. La ville de Belfort confia les livres à l’École secondaire créée en 1804, par autorisation gouvernementale du 19 janvier. Conformément à un arrêté du préfet du Haut-Rhin, des professeurs firent un tri parmi les livres mis à la disposition de la ville et rédigèrent un catalogue des volumes qu’ils conservaient, catalogue du 23 septembre 1805 (1er vendémiaire an XIV)6 . S’ils gardèrent les ouvrages qui leur semblaient « propres a entrer dans la Composition de la Bibliothèque de l’Ecole secondaire », donc utiles dans leur enseignement, ils retinrent aussi des livres « à cause de leur ancienneté ou de leurs gravures ». Ils conservèrent ainsi une Biblia sacra illustrée éditée à Bâle en 1578. Mais l’incunable ne figure pas dans le catalogue qu’ils établirent. Il ne fut cependant pas vendu comme les autres livres que les professeurs avaient mis au rebut. Le maire de Belfort, Jean-Claude Gérard, qui lisait l’allemand, était-il intervenu en faveur de sa conservation comme de celle d’autres livres en cette langue ?
Autre fait notable dans l’histoire de l’incunable : en 1801, sous l’égide du préfet du Haut-Rhin, Jean-Pierre Marquaire, bibliothécaire de l’École centrale de Colmar depuis le 9 septembre 1797, était venu à Belfort choisir des livres pour son établissement. Plus de trois cents volumes partirent ainsi pour Colmar, mais pas l’incunable. Avait-il échappé à l’attention de Marquaire ? Ou n’en voyait-il pas l’intérêt pour une bibliothèque scolaire ?
Outre « les 24 harpes d’or » ainsi restées à Belfort, la Bibliothèque municipale de la ville conserve d’autres livres provenant des deux couvents de Thann.
5Cote : H 150. Les Capucins de Belfort possédaient depuis 1737 une traduction française des Collationes (édition lyonnaise de 1687, BM de Belfort, P 132).
6AD du Haut-Rhin, 4T 57.
5Cote : H 150. Les Capucins de Belfort possédaient depuis 1737 une traduction française des Collationes (édition lyonnaise de 1687, BM de Belfort, P 132).
6AD du Haut-Rhin, 4T 57.