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Birmanie, les coulisses d'une dictature
Vidéo numérique
La lutte inégale que se livrent depuis trente ans les chefs militaires birmans et Aung San Suu Kyi racontée de l’intérieur. Ce récit politique passionnant éclaire le silence de cette dernière sur la persécution des Rohingya.
Couronnée d’un prix Nobel de la paix en 1991 alors qu’elle incarnait l’opposition à la dictature militaire birmane, adulée par son peuple, Aung San Suu Kyi fut un emblème international de la non-violence et de la démocratie. Celle qui a sacrifié sa vie à son combat politique, et vécu vingt ans en résidence surveillée, dirige depuis 2016, comme conseillère spéciale de l’État, ou Première ministre de facto, un pays qui occupe une place stratégique dans l’ordre du monde. Son apparente complaisance vis-à-vis de l'armée birmane, avec qui elle continue de partager le pouvoir, en dépit des atrocités perpétrées contre les Rohingya, a anéanti son image d’égérie des droits de l’homme. La "dame de Rangoon" s’est-elle rendue complice de crimes contre l'humanité ?
Théâtre d'ombres
Sans pouvoir répondre directement à cette question, qui sera peut-être tranchée un jour par la justice internationale, Karen Stokkendal Poulsen ouvre une fenêtre inédite, et passionnante, sur la réalité du pouvoir au sommet de l'État birman. Dans ce pays longtemps soustrait aux regards extérieurs, elle a eu accès aux proches conseillers d'Aung San Suu Kyi, comme à des responsables militaires de premier plan, mais pas à Than Shwe, le chef de l'ex-junte militaire, ni au chef d'état-major Min Aung Hlaing, visé par des sanctions pour son rôle dans les massacres. Si la "dame de Rangoon" s'exprime dans ce film, c'est avant que la tragédie qui a terni son image n’ait éclaté. Cette vision de l'intérieur éclaire donc les faits sans les élucider. Mais en racontant la lutte sans merci que se sont livrée les militaires et celle qui se révèle ici tacticienne autant que femme de pouvoir, cette plongée dans le théâtre d'ombres de la dictature birmane met en évidence le malentendu qui a présidé à "l’iconisation" d'Aung San Suu Kyi.