Le Voyage à Jérusalem de Bernhard
La grande majorité des ouvrages du fonds ancien dit des Capucins de la Bibliothèque municipale de Belfort sont issus des saisies révolutionnaires. Belfort, en sa qualité de chef-lieu d’un des trois districts du Haut-Rhin a récupéré les livres des Capucins de la ville, mais également ceux des Capucins de Thann. Dans les bibliothèques de couvent, il n’est pas étonnant de retrouver les mêmes ouvrages. En voici un exemple significatif avec deux exemplaires d’une même édition en allemand de 1505 du Voyage à Jérusalem de Bernard de Breydenbach. Les livres anciens, fabriqués de façon artisanale, sont cependant uniques et possèdent des caractéristiques d’exemplaire et des marques de provenance propres qui les distinguent les uns des autres. Ainsi l’un porte l’ex-libris manuscrit en français « A l’usage des Capucins de Belfort » ; l’autre au contraire la marque d’appartenance en latin des Capucins de Thann («… S. Francisci Thannis ad s.tum Jacobeum »). La reliure en veau des deux exemplaires diffère et, lorsqu’on les met côte-à-côte, l’ouvrage de Thann est plus petit que celui de Belfort. La plupart des gravures de ce dernier ont enfin été rehaussées de couleurs. Autant de particularités qui rendent ces deux ouvrages uniques pour le lecteur d’hier comme d’aujourd’hui.
Mais de quoi parlent nos deux post-incunables ? Durant le Moyen Age, le pèlerinage a été un moyen privilégié pour obtenir le soutien de Dieu ou le pardon de ses fautes. Les centres de pèlerinage étaient nombreux. Les plus célèbres en Europe sont Rome et Saint Jacques de Compostelle. Le pèlerinage outre-mer était sans nul doute le plus prestigieux, mais également le plus périlleux. La durée du voyage, les dangers de la traversée maritime que viennent encore renforcer les menaces des armées turques en Méditerranée orientale depuis la chute de Constantinople en 1453, n’ont pourtant jamais dissuadé quelques courageux pèlerins de prendre la mer vers Jérusalem.
Ainsi, Bernard de Breydenbach, chanoine allemand de la cathédrale de Mayence, a entrepris la traversée « pour faire pénitence, regrettant une jeunesse passée dans les plaisirs vains ». Accompagné d’un peintre hollandais, Erhart Reuwich, du franciscain Paul Walther et du dominicain Félix Fabbri, Breydenbach se rend en Terre Sainte en 1483-84. A son retour, il rédige un ouvrage dans lequel il donne des informations précises sur les conditions matérielles de ce pèlerinage, livre une description des villes, des régions et des peuples rencontrés. L’ouvrage, paru à Mayence en 1486, sous le titre latin Peregrinatio in Terra Sancta, a immédiatement rencontré un réel succès. Constamment réédité, il est devenu un classique du genre. Au total, entre 1486 et 1522, l’ouvrage connaîtra 12 rééditions en 5 langues différentes.
Son succès a plusieurs explications. Breydenbach répond aux multiples attentes de ses lecteurs pour qui le pèlerinage en Terre Sainte n’est pas uniquement une manifestation de foi. La description permet au lecteur de mettre ses pas dans ceux du Christ, ou pour les plus courageux d’aider à la préparation du voyage. Les gravures réalisées par Reuwich donnent une vision personnelle et exotique de la Terre Sainte. Elles servent enfin de « Bible des illettrés » et leur présence augmente ainsi l’audience et donc le succès de l’ouvrage de Breydenbach.
Licence Creative Commons
Mariette Cuénin-Lieber a autorisé la diffusion de ce dossier sous la licence Creative Commons CC BY-NC-ND http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/fr/.
Retour au menu principal
Exemplaire du couvent des Capucins de Belfort
Cet exemplaire de Voyage à Jérusalem de Bernhard est identique en tout point à celui du couvent des Capucins de Thann, si ce n'est qu'il a été colorié.
Reliure en veau
Frontispice, vue générale
Frontispice, "A l'usage des Capucins de Belfort"
Frontispice, gravure sur bois
Frontispice, zoom
Vue panoramique