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Complainte du vent qui s’ennuie la nuit, lu par Chanez
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Complainte du vent qui s’ennuie la nuit
Ta fleur se fane, ô fiancée ?
Oh ! Gardes-en encore un peu
La corolle qu’a compulsée
Un soir d’ennui trop studieux !
Le vent des toits qui pleure et rage,
Dans ses assauts et ses remords,
Sied au nostalgique naufrage
Où m’a jeté ta toison-d’or.
Le vent assiège,
Dans sa tour,
Le sortilège
De l’amour ;
Et, pris au piège,
Le sacrilège
Geint sans retour.
Ainsi, mon Idéal sans bride
T’ubiquitait de ses sanglots,
Ô calice loyal mais vide
Qui jouais à me rester clos ?
Ainsi dans la nuit investie,
Sur tes pétales décevants,
L’Ange fileur d’eucharisties
S’afflige tout le long du vent.
Le vent assiège,
Dans sa tour,
Le sortilège
De l’amour,
Et, pris au piège,
Le sacrilège
Geint sans retour.
Ô toi qu’un remords fait si morte,
Qu’il m’est incurable, en tes yeux,
D’écouter se morfondre aux portes
Le vent aux étendards de cieux !
Rideaux verts de notre hypogée,
Marbre banal du lavabo,
Votre hébétude ravagée
Est le miroir de mon tombeau.
Ô vent, allège
Ton discours
Des vains cortèges
De l’humour ;
Je rentre au piège,
Peut-être y vais-je
Tuer l’amour !
Jules Laforgue
Ce poème, publié en 1885 dans le recueil Les Complaintes , appartient au domaine public. Nous sommes donc en droit de le diffuser librement.