Atelier Petit, petite
Lors de l'atelier fanzine du 8 avril, les participants ont réalisé cette double page mettant en regard différents poèmes écrits par les adhérents de l'Opabt sur le motif "Petit, petite".
Petite j’entends les blocs de glace qui geignent, un poème de Françoise Louis
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Petite j’entends les blocs de glace qui geignent, lu par Jessica
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Petite j’entends les blocs de glace qui geignent
Petite j’entends les blocs de glace qui geignent et grincent des dents dans le lit de la Seine sous un ciel rempli de plomb.
Petite j’entends d’autres blocs de glace tomber dans un bruit sourd sous les coups de hachoir du maître des jeux du Palais de glace.
Petite j’entends le murmure des cris des enfants qui tirent la langue aux voiliers navigant toutes voiles dehors sur le bassin du jardin des Tuileries.
Petite j’entends le grondement sourd qui sort des entrailles de la terre où descend, chaque matin blafard et endormi, le troupeau des forçats du travail.
Petite j’entends le vent souffler pour soulever les jupes de zinc des toits de Paris. Il n’aura de cesse d’en emporter quelques-unes pour les poser quelque part… ailleurs… loin.
Françoise Louis
L'auteur a autorisé la diffusion de ce poème sous la licence Creative Commons CC BY-NC-ND http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/fr/.
J’ai demandé à mon père, un poème de Claude Bobiller
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J'ai demandé à mon père, lu par Jessica
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J’ai demandé à mon père
J’ai demandé à mon père :
« comment ça marche ?... »
« tu es trop petit, sais-tu
déjà compter et prendre ton
temps pour comprendre que
les heures avalent le temps »
J’aurai voulu demander à ma mère :
« pourquoi tu pleures ?... »
Mais j’étais trop petit
et les mots encore absents
ravinaient ma gorge
… Ces mots qui inondaient ses yeux.
J’ai demandé au libraire :
« je peux prendre ce livre ?... »
« ce n’est pas pour les petits. Sais-tu
lire les espaces entre les mots
et compter les virgules qui
nous séparent du futur ? »
J’ai demandé à l’instituteur :
« c’est loin le soleil ?... »
Eh bien ! Mon petit c’est la
première fois qu’on me pose
une telle question.
As-tu fait tes devoirs ? »
J’ai demandé à mon grand-père :
« comment c’est une flûte ?... »
Il m’a pris la main en me disant :
« viens petit »
Au bord du bois il a coupé
Une branche de sureau
Qu’il a longuement tapoté
Avec le dos de son couteau
Et j’ai vu quelques notes
S’échapper de l’écorce
Et dire aux oiseaux
Qu’ils n’étaient plus les seuls.
Je ne sais toujours pas faire une flûte.
Claude Bobiller
L'auteur a autorisé la diffusion de ce poème sous la licence Creative Commons CC BY-NC-ND http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/fr/.
C’était le temps où le repas du soir se passait dans le jeu autour de la table…, un poème par Janine Cuenin
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C’était le temps où le repas du soir se passait dans le jeu autour de la table…, lu par Jessica
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C’était le temps où le repas du soir se passait dans le jeu autour de la table…
C’était le temps où le repas du soir se passait dans le jeu autour de la table… L’objet était caché et fusait la sempiternelle question : « je brûle ? »…
C’était le temps des copains, on se réunissait au coin de la rue et la pièce à la main on faisait pile ou face… pour décider de la direction à prendre…
C’était le temps où l’on mettait ses habits du dimanche et quand la cloche de 10 heures sonnait, je sautais quatre à quatre les marches des deux étages de notre maison pour retrouver mes amies sur le parc aux marronniers de l’église, en face de chez nous…
C’était le temps où l’on préparait le pique-nique ; tous mettaient la main à la pâte et nos deux roues rutilantes nous attendaient pour des balades immémorables d’un dimanche ensoleillé… ou pas !
C’était le temps du tableau noir, de l’ardoise que l’on arborait haute et fière au-dessus de nos têtes pour un calcul mental effréné qui ne manquait pas ma foi, pour mon compte, de donner un surplus gratifiant à mon bulletin, somme toute, déjà bien sous tous rapports…
Janine Cuenin
L'auteur a autorisé la diffusion de ce poème sous la licence Creative Commons CC BY-NC-ND http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/fr/.
Petite, j'aimais marcher seule dans la forêt, un poème de Nicole Vanel
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Petite, j’aimais marcher seule dans la forêt, lu par Jessica
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Petite, j’aimais marcher seule dans la forêt
Petite, j’aimais marcher seule dans la forêt. J’appréciais ces moments de liberté sans les contraintes de l’école et les directives de la maison. J’admirais à loisir une fleur, par exemple j’étais ébahie par le jaune mélodieux des jonquilles dans les sous-bois. Je me laissais bercer par le chant subtil des oiseaux. Je respirais la vie.
Petite, j’avais une grande empathie pour les animaux, je défendais toujours le chien que mon frère tapait à coup de pieds. Je donnais de la nourriture à mon chat alors que maman soutenait qu’il trouvait à se nourrir dans la campagne. Fallait-il encore qu’il y ait des mulots ! Mais quelle détresse quand, plus tard, ma professeur de français au collège soutenait que lorsqu’on tirait un chat par la queue pour le faire miauler (de souffrance), c’était comme si on soufflait dans une trompette. Je suis satisfaite à ce jour, que la protection des animaux ait progressé.
Petite, j’étais gourmande et c’est indélébile. Savourer un délicieux caramel ou grignoter une barre de chocolat me réconfortait physiquement et moralement. Quelle joie de déguster les gâteaux de grand’mère. À mon tour je suis heureuse de faire de la pâtisserie avec mes petits-enfants. S’enivrer de effluves, apprécier l’impatience des enfants à découper le gâteau me réjouit toujours le cœur.
Petite, je me rappelle de la méchanceté de la maîtresse. Elle privilégiait toujours les enfants du médecin, du notaire, elle les félicitait toujours pour leurs résultats brillants. Et nous, enfants d’ouvriers, même si nous faisions des progrès, nous étions toujours des nuls. C’est là qu’est né mon désir de justice sociale.
Petite, je rêvais d’avoir un mari célèbre. Il serait riche, me couvrirait de cadeaux, de bijoux. Je rêvais de sortir de ma jeunesse triste, sans vacances à la mer, comme mes amies qui avaient des parents aisés. Je réalisais plus tard que la réussite de sa vie dépend de sa propre volonté, du hasard des rencontres.
De fait rien, ne vaut une vie simple.
Nicole Vanel
L'auteur a autorisé la diffusion de ce poème sous la licence Creative Commons CC BY-NC-ND http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/fr/.